JURISPRUDENCE
Consultation des représentants du personnel dans le cadre d’un reclassement
Pour la première fois, la Cour de cassation (Cass. soc. 30-09-2020 n° 19-11974) considère que, si les représentants du personnel ne sont pas consultés en cas d’inaptitude non professionnelle, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
1/ L’obligation de consultation du CSE
Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient (C. trav. art. L. 1226-2, al. l).
L’obligation, pour l’employeur, de chercher à reclasser le salarié déclaré inapte à la suite d’une maladie ou d’un accident est d’ordre public.
Les parties ne peuvent pas y déroger, même en procédant à la rupture du contrat de travail d’un commun accord, même si le salarié manifeste l’intention de ne pas reprendre le travail et même en cas d’avis d’inaptitude à tout emploi dans l’entreprise.
Une règle similaire s’applique à l’inaptitude professionnelle, c’est-à-dire consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (C. trav. art. L.1226-10, I).
L’employeur doit également consulter le CSE sur les possibilités de reclassement du salarié (C. trav. art. L. 1226-2 : inaptitude non-professionnelle et C. trav. art. L. 1226-10 : inaptitude professionnelle).
Il en résulte que l’employeur doit consulter le CSE, même lorsque le médecin du travail a expressément mentionné sur l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (C. trav. art. L. 1226-2-1 : inaptitude non-professionnelle et C. trav. art. L.1226-12 al 1er : inaptitude non-professionnelle).
Seule l’absence de CSE dans l’entreprise libère l’employeur de cette formalité préalable, sous réserve de produire un PV de carence établi à l’issue du second tour de scrutin.
Pour être valable, la consultation du CSE doit intervenir après la constatation régulière de l’inaptitude (Cass. soc. 15-10-2002 n° 99-44.623) et avant proposition au salarié d’un poste de reclassement (Cass. soc. 28-10-2009 n° 08-42.804), ou avant l’engagement de la procédure de licenciement (Cass. soc. 3-7-2001 n° 98-43.326).
2/ Portée de l’obligation de consultation du CSE
Avant l’instauration du CSE par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 décembre 2017, l’employeur devait consulter les délégués du personnel en cas d’inaptitude professionnelle mais également non professionnelle.
En effet, la loi « Travail » (n° 2016-1088 du 08-08-2016) avait étendu aux cas d’inaptitude d’origine non professionnelle l’obligation de consultation des délégués du personnel préalablement aux propositions de reclassement (C. trav. art. L. 1226-2).
En matière d’inaptitude professionnelle, l’irrégularité résultant du défaut de consultation des délégués du personnel était sanctionnée par une indemnité prévue par l’article L. 1226-15 du Code du travail, égale au minimum à 12 mois de salaire (Cass. soc. 07-05-1997 n° 94-41.697).
En revanche, en cas d’inaptitude non professionnelle, le Code du travail était muet quant à la sanction applicable.
Depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsque le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié inapte (dont celles relatives à la consultation du CSE), le salarié a droit à une indemnité d’au moins 6 mois de salaire, quelles que soient son ancienneté ou la taille de l’entreprise (C. trav. art. L. 1226-15 et L. 1235-3-1).
En cas d’inaptitude non professionnelle, le Code du travail ne prévoit toujours pas la sanction applicable au défaut de consultation du CSE.
L’intérêt de l’arrêt du 30 septembre 2020 (n° 19-11974) réside dans le fait qu’il se prononce clairement sur la question :
– « La méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident non professionnel ou une maladie, dont celle imposant à l’employeur de consulter les délégués du personnel, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.»
Ainsi, dans une telle situation, le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse s’applique (c. trav. art. L. 1235-3).
Règlement intérieur et sanction
Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins 20 (50) salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur. Dès lors, une cour d’appel ne saurait débouter le salarié de sa demande d’annulation des sanctions disciplinaires en retenant que ce n’est que lorsque le règlement intérieur fixe la nature et l’échelle des sanctions que l’employeur est privé de la possibilité de prononcer une sanction disciplinaire qui n’est pas prévue par ce règlement (Cass. soc. 2-12-2020 n° 19-21.292 F-D).
Autre affaire, une salariée est engagée en qualité d’hôtesse d’accueil par une société employant plus de 20 salariés.
Elle fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire d’une journée, mais saisit la juridiction prud’homale.
La cour d’appel de Poitiers donne raison à la salariée et prononce l’annulation de la sanction disciplinaire.
La Cour de cassation confirme cet arrêt et confirme les points suivants :
- Une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins 20 salariés (50 aujourd’hui) que si elle est prévue par le règlement intérieur (cf l’arrêt cité ci-dessus);
- Et que si ce règlement intérieur est opposable au salarié.
Parce que le règlement intérieur de l’entreprise était affiché dans la seule salle de pause, en méconnaissance des dispositions légales, il n’était pas opposable à la salariée.
Il s’en déduisait que la mise à pied disciplinaire devait être annulée.
EFFECTIFS POUR ELECTION ET SALARIES MIS A DISPOSITION
Les salariés mis à la disposition de l’entreprise par une entreprise extérieure qui sont présents dans les locaux de l’entreprise utilisatrice et y travaillent depuis au moins un an sont pris en compte dans l’effectif de l’entreprise à due proportion de leur temps de présence au cours des 12 mois précédents, peu important le choix exercé quant au droit de vote pour l’élection des représentants du personnel au sein du comité social et économique (Cass. soc. 2-12-2020 n° 19-60.141 F-D).
REFUS DE POSTE DU SALARIE ET RECHERCHE SERIEUSE
Le salarié ayant été déclaré inapte à son poste mais apte à un poste identique dans un autre contexte environnemental ou à un poste administratif au service paie et au télétravail, et ayant refusé les 4 postes proposés, qui avaient été déclarés compatibles avec son état de santé par le médecin du travail, l’employeur justifiant des recherches de reclassement personnalisées et circonstanciées au sein des filiales du groupe, la cour d’appel a pu décider que l’employeur avait procédé à une recherche sérieuse et adaptée de reclassement respectant les restrictions médicales du médecin du travail et que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement reposait sur une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 2-12-2020 n° 19-19.296 F-D).
UN REVIREMENT A ETUDIER DE PRES
La chambre sociale de cassation a émis un arrêt en octobre 2020 concernant la faute inexcusable de l’employeur à l’occasion d’un accident de travail qui pourrait faire bouger les lignes en la matière.
La situation au regard de la faute inexcusable en fonction des arrêts :
DEPUIS 2002 | DEPUIS OCTOBRE 2020 | DIFFERENCES |
le manquement à l’obligation de sécurité de résultat | le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur | Plus en termes génériques mais en lien avec la loi |
faute inexcusable s’il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié | faute inexcusable si l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le salarié | Sans changement |
s’il n’avait pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. | et s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver | Sans changement |
Ce revirement peut sécuriser l’employeur qui, jusqu’alors, était quasiment et automatiquement jugé de faute inexcusable dans la plupart des affaires.
Il laisse un espoir aux entreprises qui se sont contraintes à respecter toutes les règles édictées mais qui ont dû faire face à un accident du travail.
Cass. 2e civ. 8-10-2020 n° 18-25.021 FS-PBI
HEURES COMPLÉMENTAIRES
Lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d’un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein (Cass. soc. 9-12-2020 n° 19-15.897 F-D).
LICENCIEMENT POUR ABSENCE LONGUE DURÉE
Le licenciement intervenu pendant une période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail et motivé par l’absence ininterrompue du salarié à l’origine de graves perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise rendant nécessaire son remplacement définitif est nul, car prononcé pour un motif autre que ceux limitativement énumérés par l’article L 1226-9 du Code du travail : “Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.”(Cass. soc. 9-12-2020 n° 19-19.273 F-D).
SMIC 2021
Au 1er janvier 2021, le SMIC horaire brut passera 10,25 €, soit un SIMIC mensuel de 1 554.58 €.
L’augmentation est de 0,99%.